Bonus Love Memories (suite, 10 ans après la fin)

 

Bonus Love Memories


 

 

 

Ben me rejoint dans la cour, se laisse tomber sur l'un des transats et attrape le joint que je lui tends en poussant un soupir d'aise.

— T’as réussi à joindre Amélie ?

— Oui, c’est bon. La communication coupait pas mal, mais elle a réussi à me gueuler dessus, ricane-t-il.

— Tout va bien ? interrogé-je aussitôt en basculant la tête dans sa direction.

— C’est notre mode de discussion habituel.

— Ça te convient ?

—Tu me connais. Si ça pète pas dans tous les sens, si c’est linéaire, je m’emmerde trop vite et je fais des conneries.

— Et Mel n’apprécie pas tes conneries, je suppose ?

Il me lance un sourire blanc de blanc avant de tirer une taffe et de fixer le ciel sans nuage, constellé d’étoiles aussi lumineuses que des lampions de fête.

— Pas tellement, ensuite elle essaie de me rendre la monnaie de ma pièce.

— Et elle y arrive bien ?

— Elle est presque meilleure que moi en la matière.

— Bien fait ! me moqué-je, en enfonçant mes mains dans mes poches de jean.

En Bolivie, le ciel a beau être d’une limpidité confondante, le froid est aussi cinglant en été qu’un hiver en France. Un brasero brûle entre nous pour tenter de garder la chaleur de nos corps. Le feu se réfracte dans les pupilles dilatées de Ben, danse dans le vert de ses iris. Il est venu passer quelques semaines de vacances avec nous, au village, mais Amélie n’a pas pu se libérer de son boulot ou n’a pas voulu. Il ne le dit pas vraiment, mais les sous-entendus sont clairs. Leur relation commençait à battre de l’aile, il avait besoin de prendre l’air et comme chaque fois que dans sa vie, ça déconne, il sait où me trouver pour obtenir ce qu’il cherche. Brillant avocat à la carrière florissante, il se paie un billet d’avion, jette sa cravate et nous rejoint, peu importe l’endroit où nous avons décidé de poser la tente. Il s’est habitué à notre vie nomade, même si le village au Salar d’Uyuni reste notre QG.

Il aspire une nouvelle bouffée en creusant les joues, puis lâche :

— Elle veut que je lui fasse un môme.

Je le fixe sans rien dire, attends la suite.

— Je suis pas prêt.

— T’es pas prêt ou t’en veux pas ?

— J’en veux pas ! grogne-t-il avant de me tendre le joint. Pour moi, c’est l’équivalent d’une ablation des couilles !

Sourire aux lèvres, je me penche pour l’attraper, pose les coudes sur mes genoux pour mieux l’observer. La ride entre ses sourcils, son air triste et agacé.

— Putain, tu connais mieux que quiconque mon expérience familiale, j’ai pas envie de faire vivre ça à un môme. Je serai pas un bon père, je sais même pas ce que c’est, quel comportement adopter. J’ai déjà du mal à gérer ma relation avec Mel.

— Tu sais qu’on naît pas avec une notice toute faite pour devenir parents.

— Ouais, mais t’as l’impression que certaines personnes ont été conçues avec le gêne parental, c’est pas mon cas. Je passe ma vie à entuber des gens ou à défendre des connards qui mériteraient la taule à perpét. Je veux pas jeter mes mômes dans ce putain de monde.

Il se prend la tête entre les mains, soupire profondément. Quand il est avec moi, Ben redevient celui d’autrefois, loin de la robe d’avocat, de son langage châtié. Il se libère, revit un peu.

— Et toi ? me demande-t-il. Vous l’envisagez ?

Je hausse les épaules.

— On n’est pas pressés, mais disons qu’on a arrêté de faire attention. Ça viendra quand ça viendra.

— Ça t’effraie pas ?

— Non, j’ai même hâte. Plus tard, j’ai envie de me souvenir de Billie avec son gros ventre, portant nos enfants, j’ai envie de me souvenir de son visage radieux, du moment où elle les mettra au monde, j’ai envie de leur faire découvrir ce monde.

— On ne vit pas dans le même, grommelle Ben, ce qui est la vérité.

Billie et moi, on a renoncé sans hésiter à la société consumériste, à la technologie, à la mode « métro, boulot, dodo ». On vit au gré de nos envies, avec pas grand-chose. On accomplit des petits jobs pour nous payer nos voyages, on dort dans des yourtes, chez l’habitant ou dans des tentes. On a besoin de rien, hormis de la présence de l’autre. Se rouler à deux dans un plaid, faire l’amour dans un coin paumé à l’autre bout du monde, avec la nature pour témoin.

— Des fois, je t’envie, dit-il.

— Personne ne te retient là-bas.

— Tu veux dire, à part mon job, mes parents, Mel ?

— Tu choisis ta vie, Ben.

Il ricane.

— Pour toi et Billie, ça paraît toujours si simple, mais je suis incapable de vivre comme vous. J’ai besoin d’un lit King Size hyper confortable, d’une piscine à remous, je suis un foutu nanti, Swan. Je peux pas y renoncer, même si ton petit coin de paradis ici n’est pas si mal. Ça me va le temps de décompresser, mais après, j’ai besoin de retourner dans l’arène. C’est mon monde. C’est comme ça.

— Alors, tu pourras balancer des gosses dans ton univers et les former pour qu’ils l’affrontent avec les bonnes armes. Je te fais confiance pour ça.

Le sourire de Ben se dessine dans la semi obscurité. Je lui repasse le pét’ après avoir pompé dessus, et m’étends à nouveau sur le transat. Le silence nous engloutit un instant, seulement rompu par le bêlement des moutons qui paissent non loin, puis, alors que je commençais à m’assoupir, Ben lâche :

— On a fait un plan à trois avec Mel il y a quelques mois.

Saisi, j’ouvre de nouveau les yeux et les vire vers les siens, mais il ne me regarde pas, son attention rivée au brasero, sur le jeu des flammes léchant les bûchettes.

— Tu sais ? continue-t-il à voix basse, comme s’il craignait qu’on surprenne notre conversation. Avec un autre mec. Je voulais… hum… savoir.

Il relève la tête et me fixe cette fois.

— C’était marrant, dit-il, mais je suis pas gay. Définitivement.

Il m’adresse un sourire, puis ajoute :

— Tu resteras toujours mon anomalie.

— Je croyais qu’on ne devait plus jamais parler de ça, marmonné-je, avant d’attraper la bouteille à mes pieds.

Je dévisse le bouchon et bois au goulot tandis qu’il me répond d’un ton moqueur :

— Dix ans, je crois qu’il y a prescription.

Son regard se pare soudain d’une lueur étrange. Il me pique la bouteille, boit à son tour de grandes lampées avant de me jeter :

— J’ai toujours été amoureux de toi.

Je manque d’avaler ma salive de travers.

— Enfin, non, se reprend-il en découvrant ma mine interdite, je suis amoureux de Mel depuis qu’elle est entrée dans ma vie avec la force d’un bulldozer, mais toi… je t’ai toujours aimé d’une certaine façon. T’es mon meilleur pote, mon pire ennemi et cette autre chose aussi sur laquelle j’ai jamais vraiment réussi à donner une définition. Alors, j’ai voulu savoir si j’aimais les hommes, Mel était d’accord pour qu’on s’amuse, je ne lui ai rien raconté de nous ou de ce que je ressentais. C’est pas le genre de trucs que tu expliques à ta copine. Enfin, c’est pas mon genre de déblatérer là-dessus.

Il se passe la main sur le visage, écrase le mégot par terre, puis avale une nouvelle lampée.

— En réalité, je n’ai pas aimé plus que ça, continue-t-il. Je n’étais pas spécialement excité hormis par l’ambiance elle-même. Une partie à trois, c’est toujours fun. Mais j’ai obtenu ma réponse. C’est juste toi qui m’éveille ça.

Il zieute vers la bouteille qu’il tient à la main.

— C’est sacrément fort ton truc. Je crois que je suis bourré, fais pas gaffe à tout ce que je raconte.

— Menteur, ne puis-je m’empêcher de lâcher, parce que je sais très bien qu’il n’est pas ivre.

Il me renvoie un sourire insolent, loin d’être déstabilisé.

— Ça te dérange ? me demande-t-il.

— Que je sois ton anomalie ?

— Oui. Que je ressente ça. Que je le ressentirai peut-être toujours pour toi.

— Ça dépend.

— De quoi ?

— Ça te blesse ?

Il prend le temps de réfléchir, puis secoue la tête.

— Plus maintenant. C’est comme certains de tes souvenirs, c’est seulement agréable de se remémorer ces moments. Quelquefois, j’ai des regrets.

— Toi ? m’étonné-je.

— Ouais, se moque-t-il. Moi !

— Lesquels ?

Il m’observe d’un œil rendu brillant par l’alcool, puis m’adresse un sourire un peu de travers.

— De ne pas avoir fait un plan à trois avec toi.

Je secoue la tête, amusé. Pas du tout fâché. Voilà longtemps qu’on a dépassé tout ça avec Ben, l’hypocrisie, la rancœur, que notre relation a toujours été bancale et bizarre.

— Et qui serait passif ? interrogé-je en rivant mes yeux aux siens, d’un ton un tantinet narquois.

Il ricane et lâche :

— Toi !

— Sûrement pas, mon pote. Je ne suis pas gay !

— Moi non plus !

— Mais c’est moi ton anomalie, lui rappelé-je, un brin faux-jeton.

— Et ça a l’air de te plaire, plaisante-t-il.

Je hausse les épaules et acquiesce.

— Je ne connais personne qui n’aimerait pas être l’anomalie de quelqu’un. Être l’exceptionnel.

— Pour toi, c’est Billie.

— Oui, c’est elle mon exceptionnel, mais je te rassure, tu es un être très particulier à mes yeux, Ben, m’amusé-je.

Il rigole, puis boit une dernière gorgée avant de me passer la bouteille.

— Je suis sérieux, me dit-il, alors que j’enroule mes doigts autour du goulot, que je touche les siens sans faire gaffe, qu’il en frissonne.

— Je sais, réponds-je avant de la tirer vers moi.

— Billie serait d’accord ? questionne-t-il, avec son petit air malicieux habituel.

— Billie est née dans des communautés qui pratiquent l’amour libre, lui rappelé-je.

Je le fixe par-dessus le goulot de la bouteille tandis que l’alcool coule dans mon gosier, que je suis assez saoul pour moins sentir la fraîcheur du Salar mais pas assez pour ne pas savoir ce que je m’apprête à dire. Ben m’observe en retour, dans un silence qui recouvre nos pensées, nos non-dits, nos envies. Puis je laisse tomber :

— Tu veux que je lui demande ?

Il tressaille à mes mots, comme choqué que je puisse le penser, mais poussé par une force plus grande, il hoche la tête, presque avec timidité mais avec une certaine avidité, avant de murmurer :

— Tu le voudrais, toi ? Tenter le coup…

— Une fois, une seule, le préviens-je. Pour les regrets.

Par curiosité peut-être aussi. Par amitié. Pour ce lien bizarre entre nous qui demeurera toujours.

Il acquiesce, un sourire bien loin de son arrogance habituelle plaqué sur les lèvres, un peu nostalgique. Alors qu’il ne me quitte pas des yeux, je me redresse du transat, marche jusqu’à l’une des fenêtres et tire le volet pour l’ouvrir. Il n’y a aucun verrou ici. Billie est étendue sur le matelas, enroulée dans une couverture, j’aperçois seulement quelques tresses en dépasser.

— Billie ! chuchoté-je. Billie…

Elle ouvre un œil, bâille, s’étire comme un chat dans les draps qui me donne envie de sauter par-dessus le rebord pour la rejoindre, finir de la déshabiller. En simple t-shirt, elle se redresse, avise ma présence et s’arrache aussitôt à la gangue de tissu pour s’approcher de moi. Sitôt à ma hauteur, je m’empare de sa bouche, insinue mes doigts dans ses cheveux emmêlés, puis dirige mon visage vers son oreille, tandis qu’elle glousse et me dit :

— Tu es ivre, n’est-ce pas ?

— Un peu, avoué-je.

Je chuchote dans le creux de son oreille la proposition licencieuse de Ben. Au fil de mes paroles, je sens son regard obliquer vers lui, ses muscles se tendre légèrement, puis son attention virer vers moi, ses grands yeux d’ambre se rivant aux miens. Elle sonde mon sérieux, ma sincérité ou même mon désir, aussi bien que celui de Ben peut-être. Je recule pour mieux la contempler, pose mon pouce sur ses lèvres qu’elle entrouvre naturellement, en dessine le pourtour, avec mon envie toujours là pour elle, prégnant, puissant, qui me ravage aussi violemment qu’autrefois.

Comme elle ne prononce pas un mot, je me tourne vers Ben qui, pour une fois, ne bronche pas depuis le transat. Il paraît plus nerveux que Billie soudain, des câbles sous haute tension le traversant.

— Je peux lui dire pourquoi ? lui demandé-je en m’adressant à lui.

Pour qu’elle accepte, elle doit savoir. Elle en a le droit ; c’est son histoire à elle aussi, après tout.

Billie m’observe, curieuse. Ben opine, mal à l’aise, en fronçant le nez, puis se relève brutalement du transat. Il se met à arpenter la cour déserte, marchant autour du brasero, tandis que je confie à Billie l’un des seuls secrets que je lui ai cachés. Ses yeux s’arrondissent à mesure de mes paroles. Son regard épie les gestes de Ben qui se frotte la figure par intermittences, gêné.

Quand j’ai terminé, elle lâche :

— Bon sang, ça explique bien des choses d’un coup.

Et elle se met à rire. Surpris, Ben se fige, pendant que je m’accote près d’elle, soulève des mèches de cheveux, pas inquiet par sa réaction. Elle et moi, on se connaît par cœur, autant que deux êtres peuvent se connaître, de mes plus gros défauts à ses plus grandes terreurs, de mes embarras à ses craintes, de ma mémoire à ses espoirs. J’ai dessiné de ma langue la moindre parcelle de sa peau, savouré son arôme si souvent que rien d’elle ne m’est désormais inconnu. J’ai partagé tant de sentiments avec elle, tant de moments passionnés, tendres, amoureux, violents. Je n’ai pas peur qu’elle s’éloigne de moi, se récrie ou humilie Ben. Elle ne ferait jamais ça. Billie est la tolérance incarnée. Elle aime les gens, elle aime leur faire plaisir, sinon pour quelle raison aurait-elle pris le temps et le risque de creuser au fond de mon âme pour me découvrir autrefois ? Elle est comme ça, bâtie d’amour, de lumière, de générosité. De sa belle liberté.

Elle s’accoude sur le rebord de fenêtre et fait signe à Ben de s’approcher. Obéissant, une moue fière sur le visage pour camoufler sa honte, il se poste près d’elle, une épaule contre le mur.

— Pourquoi vous ne le faites pas juste tous les deux ? nous balance-t-elle soudain, nous coupant la chique à tous les deux.

Ben zieute vers moi, ahuri par sa réaction, tandis que je pose les yeux sur elle en secouant la tête.

— Sérieusement ? lancé-je, abasourdi. C’est tout ce que tu trouves à dire ?

— Bah quoi ? Ce serait plus logique, non ?

Ben éclate brusquement de rire et se penche vers Billie.

— Je pourrais te le piquer, méfie-toi.

Elle lui tire l’oreille et l’approche de son visage à quelques centimètres. On dirait soudain un gamin devant Billie, paré à se faire sermonner. Il la considère comme une relique sacrée, ce qui me tire un sourire amusé.

— Même pas en rêve, gros bêta ! Mais je ne vois pas pourquoi vous auriez besoin de moi. C’est un truc que vous devez régler ensemble, non ?

— Tu n’es même pas un peu jalouse ? s’enquiert Ben.

— Nan, même pas un peu !

— C’est un peu vexant, grommelé-je à ses côtés.

Elle lève des yeux souriants sur moi.

— Pas du tout, c’est parce que tu possèdes mon entière confiance.

Ok, elle vient de me flinguer un bout du cœur. Même après dix ans, elle y arrive encore avec une facilité déconcertante.

Mais c’est Ben qui lui répond :

— Swan n’aime pas les hommes, Billie. Si t’es pas là, je suis pas certain que ça fonctionne.

Elle arrondit enfin la bouche de compréhension, se décide à lui lâcher l’oreille et l’observe droit dans les yeux.

— Tu es sûr que c’est ce que tu veux ? lui demande-t-elle.

— Non, j’en sais rien. C’est peut-être juste une connerie.

— Et Mel ?

Il fronce le nez, puis chuchote comme un secret :

— Ce qui se passe en Bolivie, ça peut y rester ?

Il se mordille nerveusement la lèvre, puis ajoute :

— Billie, c’est juste… juste pour moi. Tu vois ? Un truc que j’aimerais faire, mais je ne veux pas t’y obliger. Swan ou toi, d’ailleurs. Si vous n’en avez pas envie, on laisse tomber. D’ailleurs, ce serait bizarre ensuite...

— Parce que tu n’es pas bizarre ? me moqué-je.

— Tu es la définition même de la bizarrerie, renchérit Billie avec amusement. À tel point que je n’ai jamais rien compris à votre relation. Jusqu’à aujourd’hui, en tout cas. Mais dis-moi, tu étais quand même amoureux de moi avant ?

Ben ricane, attrape spontanément une mèche de ses cheveux pour l’enrouler autour de son index :

— Au début, oui. Je t’ai toujours trouvée très jolie et attirante.

— Et puis d’un coup, tu flashes sur Swan.

Elle coule son regard lumineux sur moi.

— Hum, je ne peux pas tellement t’en vouloir, s’amuse-t-elle en glissant la main sur mon bras.

— C’est pas arrivé d’un coup non plus, explique Ben. D’ailleurs, je ne sais même pas comment ça s’est produit. Ça m’est tombé dessus.

— Juste lui ?

— Ouais, juste lui. Toujours pas jalouse ?

Elle lui tire la langue et m’attrape par le col de mon t-shirt pour me rapprocher d’elle d’autorité.

— Non, parce qu’il est à moi autant que je suis à lui, et que je sais très bien que tu aimes Mel, que c’est seulement un fantasme que tu as besoin de réaliser pour le démystifier ou que tu es seulement le gros pervers que j’ai toujours vu en toi.

— T’es pas sérieuse ? ricane Ben.

— À moitié ! répond-elle en l’attrapant par le bras, pour le tirer vers la fenêtre. Vous venez ? Ça caille dehors.

Ben écarquille les yeux de stupeur tandis qu’elle retourne au cœur de la chambre et qu’elle ôte déjà son t-shirt, dévoilant son dos magnifique, la cambrure sublime de ses reins, la forme élancée de ses cuisses. Il tourne la tête vers moi et lance, railleur :

— En fait, c’est toi qui devrais peut-être être jaloux !

— Mon vieux, tu as le droit de réaliser tout un tas de fantasmes cette nuit, mais si t’essaies de lui coller ta bite dans son vagin, je te la fais bouffer !

— Je me disais aussi ! C’était trop beau pour être vrai. En gros, y a que moi qui vais m’en prendre une !

Je devine son angoisse sous son humour, m’élance pour passer le rebord de fenêtre tandis que Billie se retourne pour nous observer, sa chevelure cascadant sur ses épaules. Hippie magnifique, sans aucun complexe, naturelle et suave, qui affiche sa nudité comme si c’était normal. Sans parvenir à me détourner d’elle, je passe la main sur la nuque de Ben qui se tend à mon contact.

— On fera seulement ce qu’on veut. Viens.

Sans tergiverser, poussé par l’attraction de Billie, je saute dans la chambre et marche vers la jeune femme dont la poitrine se dévoile, superbe, sous mes yeux soudain affamés. Je passe la main dans ses cheveux, dans son cou, alors que l’ombre de Ben se détache dans le dos de la jeune femme. Il m’examine un instant, puis jette un coup d’œil vers Billie pour s’assurer de son assentiment ; elle recule aussitôt vers lui pour le rassurer, tout en m’entraînant contre elle.

— Bon sang, vous avez déjà fait ça, hein ? grommelle Ben.

— Non, t’es le premier qui va me toucher en dehors de Swan, répond Billie. C’est une faveur qu’il t’accorde, parce que tu es son meilleur ami. N’oublie jamais ça !

Il me jette un coup d’œil, puis répond :

— Crois-moi, Billie, tout ce qui va se passer dans les prochaines heures, je ne l’oublierai jamais, même sans ta super mémoire, Swan.

Il glisse une main sur son ventre nu, puis vers le mien, sous mon t-shirt, et souffle à son oreille d’une voix soudain pleine d’émotion :

— Merci pour ça.

Elle lui lance un sourire qui ravirait la chaleur du soleil. Il le lui renvoie, frotte son nez dans ses cheveux. Ses doigts s’agrippent à ma ceinture, alors qu’il lui murmure à l’oreille :

— Tu en as envie aussi, Billie ? De ça ?

C’est dans mes yeux qu’elle se perd pour lui répondre, tandis que je sens mon cœur et mon ventre se gonfler d’envie, de la toucher, de l’embrasser, de l’entraîner vers le lit.

— Oui.

Elle me regarde encore fixement, avec toutes ses lueurs d’ambre disséminées dans ses iris, quand elle tourne la tête vers lui pour frôler ses lèvres. Ça me fait comme un pic au cœur durant quelques secondes, qui flambe mon sang de jalousie, l’explosion envahissant ma tête d’un coup. Je me prends un shoot dans la gueule, mes pensées dérivent un instant vers de lointains souvenirs, à ces moments furieux où j’avais cru la perdre, où mon monde aurait pu redevenir d’un noir opaque, mais comme si elle les devinait – ma colère, mes vieilles peurs –, elle me ramène vers elle ; sa main vient se glisser par-dessus celle de Ben sur la ceinture de mon jean pour me l’ôter. Son sourire me foudroie, son regard me déshabille, me remplit d’un désir liquide. Alors, tout se remet en place dans les bonnes cases dans ma tête. Parce que j’ai confiance en elle, je peux faire ça pour Ben. Parce qu’elle a confiance en moi, elle accepte à son tour cette nouvelle expérience. Il n’y a rien de plus que ça, aucun doute, de craintes à avoir. Elle est tout pour moi. Je suis tout pour elle. Je le sais. Ma jalousie s’éteint comme si elle avait appuyé sur un bouton, que toutes ses couleurs s’étaient soudain déversées sur moi pour noyer la moindre incertitude qui aurait pu demeurer en moi.

Après avoir viré mon t-shirt, mes doigts sinuent sur sa poitrine délicate, en pince le mamelon, m’empare de sa gorge. Elle embrasse Ben, puis sa bouche vient couvrir la mienne, sa langue me caresser, me montrer combien elle m’aime, combien elle est prête à tout pour le montrer. Elle se colle à moi, aide Ben à déboutonner mon jean, révélant peu à peu mon caleçon. Ben trouve vite ses marques avec elle ; il a l’habitude des femmes, du sexe. Il n’est pas tamisé ou nerveux avec elle. Il la caresse, les hanches entre ses mains, sur son ventre ou tâtant le moelleux de ses fesses rebondies. C’est avec moi qu’il n’ose pas. Il me touche à peine, recule souvent la main dès qu’il m’effleure par mégarde. Billie s’en rend compte. Alors, elle le guide, ses doigts par-dessus les siens, elle le pousse vers moi, sur mon torse, mes abdos, jusqu’à mon cou, puis en sens inverse. Ben a enfoncé sa figure dans le cou de Billie pour ne pas avoir à m’affronter ; Billie, elle, elle me dévisage, dévore chacune de mes expressions, tandis que je grave les siennes. Chaque caresse, chaque mimique restera tatouée dans ma mémoire. Autant faire de cet instant un moment exceptionnel.

Billie retire le pull de Ben, le jette au sol, appose de nouveau son dos à son torse, sa poitrine contre le mien. Elle nous entraîne dans une danse dont elle devient la maîtresse. Son corps se moule aux nôtres, ses courbes délicieuses contre nos arêtes plus sèches. Elle a un bras passé autour de la nuque de Ben, son corps langoureux oscille comme si elle se mouvait sur une piste, la musique battant les baffles. Je n’ai pas de mal à l’entendre, ma mémoire déversant des notes sous mon crâne. Alors qu’on se meut à l’unisson sur le rythme qu’elle impose, elle guide la main de Ben vers l’élastique de mon caleçon. Je me tends légèrement. Même en fermant les yeux, je saurais que c’est lui. Ses doigts sont plus rêches, sa façon de me toucher plus nerveuse. Ouais, ok, peut-être que je n’avais pas pensé à tout en acceptant le plan à trois. Peut-être que Ben y a songé plus que moi en glissant habilement Billie entre nous. Ce connard est toujours un vil manipulateur quand il souhaite obtenir ce qu’il désire. Mais je ne lui en veux pas. J’ai accepté de moi-même, j’avais envie de ça, quoi que ce soit.

Leurs deux mains serpentent sur mon sexe qui se tend à leur contact. Je clos les paupières, me laisse porter, alors que lentement, on recule en direction du lit. Billie se frotte outrageusement contre nous. Ben a enveloppé un sein de sa paume, pendant que de l’autre, il me touche avec l’aide de Billie. Je l’embrasse avec plus de vigueur, lèche sa langue, la mords presque. Une main sur sa fesse pour la presser contre moi, je sens le contact du sexe de Ben par-dessus son jean. En un réflexe primaire, il se décale aussitôt pour ne pas que je le touche, ce qui est risible, puisque c’est exactement ce qu’il souhaite que je fasse. Je le rattrape par la ceinture, le ramène contre Billie et près de moi. Il se laisse faire, relève la tête des cheveux fous de la jeune femme entre nous et croise mon regard. Le désir se lit dans ses yeux. Il se lèche les lèvres, manque de me fuir, mais se retient, tenant fermement son arrogance en bouclier. Je finis par ricaner, le pousse sur l’épaule et le fais tomber dans le lit.

— Désape-toi, lui ordonné-je, tandis que j’enlace Billie, lui vole un baiser.

Ben m’obéit, il ôte ses pompes, son jean. Billie finit par virer son caleçon ; j’en profite pour lui retirer sa culotte, la mettre nue. Je ne peux pas aimer Ben tel qu’il le souhaiterait, mais je partage avec lui celle qui façonne ma vie, mon bonheur, mon existence tout entière. L’être le plus précieux à mes yeux. Et je sais, à la façon qu’il a de la considérer avec révérence qu’il a compris, qu’il en prend soin à son tour. Parce que c’est elle qui nous rapproche en cet instant.

Billie me pousse à mon tour sur le matelas, se met entre nous, face à moi, une jambe par-dessus les miennes ; elle attire Ben contre elle, frotte son cul délicieux contre son sexe. Par-dessus son épaule, je fusille mon pote du regard pour qu’il ne fasse pas de conneries. Je lui arrache enfin un sourire plus détendu. Puis je le laisse faire. Tout ce qu’il veut, tout ce que désire Billie et tout ce que je souhaite. Ça part vite en vrille quand on commence à se caresser, à se lécher. Billie en équilibre entre nous. Emportée par l’action, elle me grimpe dessus, sur mon visage, pour que je la dévore, goûte à son intimité qui m’enivre. Elle agite les hanches sur ma bouche, telle une démone, dont les gémissements commencent à éclater dans la chambre. Ici, personne ne s’en offusquera. L’amour libre est presque une tradition dans le coin.

C’est alors que je le sens, sa main sur mon caleçon, en train de me l’enlever, puis sa main sur moi. Sur ma peau. Sur ma bite de plus en plus tendue par la déferlante de caresses, de corps, de cris que Billie détache de ses lèvres. Je me crispe légèrement, alors qu’il s’approche, se glisse contre moi. Comme je ne vois pas ce qu’il fabrique, il en profite, le salaud, caché par les courbes sulfureuses de Billie. Je tiens ses hanches entre mes mains. Un instant, au-dessus de moi, je les vois s’embrasser, et ça m’excite. C’est là que je réalise que je suis en train de perdre pied, de m’enfoncer dans le plaisir, de me laisser engloutir sans réfléchir. J’éteins mes neurones et me laisse porter par la vague. Mon futur 4K sera exceptionnel !

La bouche de Ben me frôle ensuite, sur le torse, sur les pectoraux, puis les abdos, dessinant une ligne droite vers mon sexe dressé. Je l’entends grogner qu’il n’a jamais fait ça et que j’ai pas intérêt à me foutre de sa gueule. Je rigole, agrippe une fesse de Billie quand il fait glisser sa langue sur ma longueur, que la tension me foudroie le bide, autant que le plaisir. Il me prend dans sa bouche et je sens l’attention de Billie peser sur moi, non pas pour mesurer les capacités de Ben par rapport aux siennes, mais pour voir si je parviens à me détendre. J’y arrive, le contraire serait difficile. J’ai une déesse qui ondoie au-dessus de moi et un mec qui me taille une pipe d’enfer. J’ai même du mal à croire ce qui est en train de se produire, que j’ai moi-même déclenché, qui m’échappe totalement.

Billie jette des coups d’œil par-dessus son épaule, puis sur moi tandis que je la lèche.

— J’en ai envie moi aussi, décrète-t-elle.

Aussitôt, elle se détache de moi, fait volte-face et incline le buste vers ma queue. Ben se décale aussitôt, et deux bouches affamées m’engloutissent. Ouais, OK, finalement, je suis au paradis. Je tâte le corps de Billie, fourre mes doigts en elle tandis qu’elle s’agite au-dessus de moi. Ben se rapproche, m’enjambe et vient coller son sexe au mien pour les masser ensemble. Billie le lèche à son tour, passant de l’un à l’autre avec gourmandise, ses gâteries émaillées de gémissements. Rauques pour ceux de Ben et moi, excitants pour les siens. Elle ne tarde pas ensuite à venir me chevaucher, elle me laisse l’envahir, la prendre, enfonçant dans mon bide les premiers pics troublants de la jouissance. Devant elle, Ben l’embrasse, la caresse, tandis qu’elle le branle. Un voile de sueur les recouvre ; je les trouve beaux, alors que Billie me fait l’amour, qu’elle pousse Ben toujours plus loin dans ses retranchements, pour qu’il me touche là où le corps de Billie et le mien se réunissent ; elle l’attire encore plus près d’elle, pour qu’il sente nos mouvements, pour qu’il puisse poser ses mains sur ma taille. Il jure en déposant un baiser dans son cou, braque enfin son regard vers moi alors que jusqu’à présent, il m’évitait. Il me dévisage, et je lis la fièvre sur sa figure. Je comprends aussitôt ce qu’il désire. Un peu crispé, je m’assois, serrant le buste de Billie contre moi, une paume sur son sein, puis sans réfléchir davantage, je colle ma bouche à celle de Ben. Il est surpris un quart de seconde, si bien qu’il oublie d’ouvrir les lèvres. Puis il le fait, et on lutte comme deux cons pour savoir qui va dans la bouche de l’autre. Il finit par céder, grogne, puis s’accroche à Billie et à moi. Mon piercing accomplit le reste. On s’embrasse longtemps tous les trois. Billie a cessé de bouger au-dessus de moi pour retenir mon orgasme qui croissait dangereusement. On se caresse de nos langues, de nos bouches. C’est doux et passionné avec Billie, violent et dérangeant avec Ben. Ce souvenir sera sans aucun doute l’un des plus hors normes, un merveilleux film à me rappeler lors des nuits froides.

— J’en ai envie, finit-il par murmurer contre mes lèvres, ses yeux plongés dans les miens, mal assurés mais emplis de désir.

— Je sais, réponds-je.

Je jette un coup d’œil sur Billie ; elle ne bronche pas, me laisse choisir ce moment : refuser ou aller jusqu’au bout.

— T’es pas obligé, me dit Ben. Je comprendrai, c’est déjà énorme ce qui se passe.

Il appuie bien sur le mot « énorme », ce qui nous tire un sourire.

— Tu te débines ? le nargué-je alors.

— Non ! s’exclame-t-il aussitôt. Putain non, c’est quand tu veux !

Je regarde Billie qui se relève aussitôt dans un sourire un tantinet moqueur devant les joues rouges de Ben. Il se redresse à son tour et bascule sur le côté, la main sur le visage.

— Mais hors de question que je me foute à quatre pattes, grogne-t-il aussitôt.

Je rigole, alors que Billie se rencogne contre lui pour le rassurer.

— Combien de filles t’as mises à quatre pattes ? le taquiné-je.

Il l’attrape dans ses bras, se cramponne à elle comme si c’était un radeau, et se dérobe tant bien que mal à mon attention.

— Je commence à m’en vouloir, ricane-t-il en se tournant vers Billie.

Puis il glisse ses doigts au creux de son ventre, lui vole un gémissement, tandis que je contourne Ben et me place dans son dos. Celui-ci se constelle de chair de poule lorsqu’il sent ma main sur sa hanche.

— Bordel, marmonne-t-il avant d’enfoncer son visage dans le cou de ma délicieuse hippie, de la tenir plus étroitement encore, comme s’il espérait disparaître dans son corps. Devenir elle peut-être. Pour que j’en ai envie, pour que ce soit plus facile.

— Swan, putain, t’es pas obligé, insiste-t-il encore.

— Tu veux que j’arrête ? demandé-je en dirigeant ma main plus bas sur son corps en une langoureuse caresse.

Il ne dit rien, soulève la tête pour observer Billie comme s’il espérait qu’elle arrêterait tout, mais elle ne lui fait pas cet affront. Elle nous laisse décider, se contente de lui sourire.

— Hey, Ben, murmuré-je alors près de son oreille. C’est entre nous, d’accord ? Ça restera toujours entre nous.

— Tu n’as pas à en avoir honte, ajoute Billie avant de déposer un baiser sur ses lèvres, puis sur les miennes. On fait l’amour tous les trois. On est ensemble.

Ben tourne le buste vers moi, me fixe un instant.

— Je me force pas, le rassuré-je. J’en ai envie.

Je me caresse contre lui pour le lui prouver. Il n’est pas dupe, sans Billie, ça aurait été difficile d’être excité à ce point-là, mais je ne mens pas non plus. J’éprouve vraiment le désir d’aller plus loin, à la conclusion de cette étrange nuit. De voir ce que ça fait. De lui faire plaisir. De clôturer cette partie de notre histoire. De jouir de cette nouvelle expérience.

Ben acquiesce, se concentre sur le plaisir de ma hippie qui s’étale dans les draps, suave, tandis que j’attrape un préservatif dans la table de chevet. Je ne le mets pas tout de suite. Je lui lève la jambe pour qu’il la positionne par-dessus celles de Billie. Je le caresse alors doucement, pendant que Billie s’occupe de lui à son tour, sa main enroulée autour de son sexe. Il laisse fuser des jurons qui la font rire.

— Mon Dieu, mais tu es toujours aussi vulgaire ? rit-elle.

— Ouais, quand c’est trop bon, lui répond-il avant de prendre sa bouche pour l’obliger à se taire.

Mais c’est moi qui le fais taire ensuite. Quand il entend le bruit du plastique qui se déchire. Il se contracte de part en part. Ses doigts se crispent sur la hanche de Billie. Il ferme les paupières. Ma délicieuse hippie m’observe un instant, se hisse un peu au-dessus de Ben pour que je l’embrasse, caresse son visage, ses seins, lui demande en silence si elle est toujours d’accord. Pour seule réponse, elle s’empare de mes lèvres, sa main dans mes cheveux, puis sur mon sexe, à me branler pour que je durcisse un peu plus.

Puis elle s’éloigne, serre Ben contre elle qui continue de la caresser, de la faire gémir, et puis de cesser d’un coup, lorsqu’il me sent. Je pousse en douceur, comme je l’ai fait quelques années auparavant pour la première fois de Billie. J’ai appris à mieux me contrôler depuis. Je l’entends hoqueter, puis le vois chercher la bouche de Billie pour s’y perdre. Elle le lui octroie, tandis que je le pénètre plus profondément, que mes sentiments se mélangent soudain dans ma tête, autant que mes sensations. C’est étroit, chaud, différent. Tout s’embrouille. Je me perds dans les corps qui gémissent, le mien, le leur, celui de Ben qui se contracte sous l’intrusion, puis Billie qui vient m’embrasser, caresser mon visage. Ben lèche ses seins, puis la ramène contre lui. Son sexe tendu entre eux, Billie s’en empare, accroît l’électricité ambiante ; elle me fixe, les lèvres entrouvertes, les pupilles tellement dilatées qu’on dirait qu’elle a été shootée par une drogue surpuissante.

— Oh bon sang, grogne Ben.

Il gémit, touche le sommet de ma cuisse pour m’encourager à bouger.

— Je suis pas en sucre, dit-il. Vas-y, abruti !

Je ricane, obéis, me retire, puis m’enfonce plus sèchement au fond de lui. Je suis incapable de déterminer si j’aime ça ou non, mais mon plaisir est réel, mon envie aussi. Irrésistibles. Avec moins de timidité ou de crainte, je pose la main sur son torse, l’effleure jusqu’au bas du ventre et rejoins la main de Billie. Il marmonne entre ses dents de nouveaux jurons, puis tourne légèrement la tête pour me dévisager. C’est étrange de se perdre dans ses yeux à cet instant. Mais je n’ai pas le temps d’y réfléchir. Il pose soudain sa bouche sur la mienne avec une tendresse qui me foudroie. Ce n’est plus du sexe à cet instant-là, ce sont des sentiments. Cet amour qu’il a ressenti pour moi autrefois qui revient des limbes, pour mieux s’envoler ensuite, l’en libérer peut-être. Alors, je lui rends son baiser, j’essaie d’être à la hauteur, de lui donner du plaisir, de lui offrir ce moment qui restera unique. Pour lui comme pour moi. Je fais tourner mon piercing contre sa langue, puis l’embrasse dans le cou, jusqu’à le mordre sur l’épaule quand le désir embrase ma tête. Il se frotte contre Billie, de plus en plus possédé par l’action. Je raffermis la pression de ma main sur son sexe, caresse le clitoris de Billie de son gland, puis brusquement, il part. Il se contracte de partout, m’oppresse jusqu’à m’arracher un grognement guttural. J’accélère le mouvement sur sa queue tendue alors que j’ai l’impression qu’il m’aspire en lui. Le plaisir me rend dingue, martèle mes tempes comme si mon cœur s’y était dirigé. Ben jouit, la bouche sur la mienne, jusqu’à ce qu’il se laisse retomber entre nous.

Je me retire en douceur, même si je n’ai pas encore terminé et jette le préservatif plus loin, sur le sol. Ben ahane, les paupières closes, ses lèvres proches de celles de Billie. Il a ses doigts en elle et il les agite toujours, Billie me cherche du regard, me trouve sans mal. Elle se détache aussitôt de Ben, l’enjambe et se glisse entre nous. Ben suit le mouvement, se colle à son dos, alors que Billie ne tarde pas à venir me prendre, s’empare de mon sexe et le conduit sans attendre au fond d’elle. La tension croît au creux de mon ventre, le long de ma queue qui pulse de plus en plus au rythme de ses hanches. La main de Ben se pose sur ma taille. Billie, plus petite, se niche sous mon cou, tandis que les lèvres de Ben viennent me trouver, que ses doigts tâtonnent sur le corps de Billie, qu’elle pousse un gémissement sulfureux lorsqu’il trouve ce qui lui plaît. Il joue avec elle, il joue avec moi. Son sexe encore un peu dur vient nous caresser, nous toucher, nous exciter.

— C’est si bon, murmure-t-elle, ses lèvres contre les miennes. Swan…

C’est à ce moment-là, quand Billie s’enfuit dans son monde qu’elle m’entraîne violemment avec elle, que je lâche prise et la rejoins sans mal, le corps vrillé de nouvelles sensations. Nos membres sont emmêlés, nos mains jointes, nos bouches alternant les baisers. Après le tumulte, nos gestes deviennent plus tendres, plus doux, mais encore cadencés. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il résonne dans la pièce, que tout le monde peut le percevoir.

Billie embrasse mes pectoraux, me garde en elle aussi longtemps que possible avant que je n’en sois naturellement chassé. Ben caresse ma taille, en délicatesse, comme s’il savourait les derniers instants. Aucun de nous n’esquisse le moindre geste pour sortir du lit ou la moindre envie de se détacher les uns des autres. C’est comme un interlude dans une vie. Un moment hors du temps. Déconnecté. Qui n’appartient à nul autre.  

Au bout de quelques minutes, je me contente de tirer la couverture sur nous, le froid se rappelant brusquement à nos peaux moites, après la chaleur de nos ébats. Billie s’endort la première après avoir balbutié un « je t’aime » somnolent sans me lâcher, ses doigts fermement noués aux miens. Ben m’observe encore, la pénombre lustrant les traits de son visage. Je le fixe en retour, sans gêne. J’essaie de deviner à quoi il pense, ne suis pas sûr d’y parvenir.

— C’était à la hauteur ? finis-je par lui demander à voix basse.

Il m’adresse aussitôt un sourire retors, approche son visage du mien et, sans crier gare, m’embrasse. Longtemps, avec une certaine frénésie et de la tendresse. Quand il se détache de moi, il murmure :

— Tu resteras mon anomalie. Ça n’aura jamais la moindre explication. Pourquoi toi. Pourquoi comme ça. Je ne le saurai jamais, et ça n’a pas tant d’importance.

Son index court sur la hanche de Billie qui dort ou fait semblant, puis passe sur la mienne. Il soupire, bascule la tête sur l’oreiller.

— Tu crois qu’on vient de sceller notre amitié ou de la foutre en l’air ? me demande-t-il en rigolant.

— Mon vieux, si tu oses me jeter après ce que je viens de faire, je te promets de te pourrir la vie jusqu’à la fin de tes jours !

Il tourne la tête vers moi, ricane, fouille mon regard à la recherche d’une vérité quelconque, puis il lâche :

— Tu ne l’oublieras jamais. Tout ce qu’on vient de faire cette nuit. Dans les moindres détails, ça restera dans ta tête.

— Ouais.

— Et ça ne t’ennuie pas ?

— Ça devrait ?

Il hausse les épaules.

— Tu viens certainement de m’offrir l’un des meilleurs films pornos de toute mon existence, lui avoué-je en rigolant, alors arrête de t’inquiéter. Ça te ressemble pas de t’en faire pour les autres !

— Ouais… j’ai juste… pas envie que tu le regrettes.

— Te tracasse pas, ça n’arrivera pas. J’ai aimé, même si c’était foutrement bizarre. J’ai aimé chaque seconde, comme je suis convaincu que Billie aussi. Cette nuit, c’était un peu… hum… notre anomalie.

Il tourne la tête vers moi, me fixe un moment en silence et me balance avec un profond sérieux :

— T’es sûr que t’as pas envie qu’on retourne la situation ? Pour améliorer le film porno…

Il palpe brusquement mon cul avec un peu trop d’empressement ; je lui vire la main en grognant, tandis qu’il se met à rire.

— C’est une expérience qui vaut la peine d’être vécue, argumente-t-il.

— Range ta robe, l’avocat. Ça ne prend pas une seconde !

On pouffe tous les deux tandis que la jolie jeune femme dans mes bras noue davantage ses membres autour de moi, tel un koala, en poussant un gémissement de béatitude, puis quelques mots qui ressemblent à « n’y compte pas ». Elle nous dérobe un sourire. Les yeux clairs de Ben balaient son corps scellé au mien avec une tendresse qui lui ressemble peu, qui est déroutante.

— Merci Swan, finit-il par murmurer.

— Ouais, de rien.

— Toi aussi, Billie.

— Grffffmmmm, lui répond-elle.

Il rigole, puis ajoute à mon intention d’un ton éminemment narquois :

— Ton piercing sur…

— Ta gueule, dors !

Il rit de plus belle, puis se tourne face à Billie pour la serrer dans ses bras à son tour et m’enlacer une dernière fois. Je le laisse faire, la tête fourmillant d’images plus immorales les unes que les autres. Mes prochains rêves risquent d’être sacrément… excitants.

Au matin, je me réveille entouré de deux corps tels des prolongements de moi-même. Billie sur ma droite, Ben sur ma gauche. On ne s’est pas endormi dans cette position, mais sur les coups des quatre ou cinq heures du mat’, une érection malvenue m’a réveillé. Je ne me sentais pas le cœur de la laisser se perdre. Personne ne m’a contredit.

Maintenant, je me sens courbaturé comme si j’avais couru un marathon, lorsque j’esquisse un mouvement pour m’arracher aux délicieux filets que m’offrent leurs bras et leurs jambes.

Une fois libre, j’enfile un caleçon et un jean, puis, sans bruit, me dirige vers la cuisine. Il n’y a plus personne dans la maison, il est déjà tard si j’en crois le soleil haut dans le ciel immaculé. Je prépare le café en bâillant, passe la main dans mes cheveux en bataille lorsque les doigts d’une charmante hippie viennent se poser sur mon ventre.

— Salut, murmuré-je avant de pivoter vers elle pour l’embrasser.

— Salut.

Elle se colle à moi, niche son nez dans mon cou, dressée sur la pointe des pieds. Je l’entoure aussitôt de mes bras, remonte son long t-shirt sur ses cuisses pour toucher sa peau.

— Bien dormie ? demandé-je dans un sourire.

— J’ai mal partout. Vous êtes deux rouleaux compresseurs chargés au nucléaire, se moque-t-elle.

— Ravi de te l’entendre dire.

Je lui lance un clin d’œil, puis me penche pour lui servir une tasse de café. Elle s’en empare sans attendre, y trempe les lèvres, puis m’observe en silence. Je m’égare dans ses yeux ambrés, capables de me mettre à genoux, la main enveloppant sa hanche.  

— Tu m’en veux ? l’interrogé-je enfin.

Elle arque un sourcil.

— Non, pourquoi t’en voudrais-je ? C’était… hum… exceptionnel ?

J’attrape l’ovale de son visage entre mes doigts et lui murmure :

— Tu sais ? des fois, je songe qu’il ne m’est pas possible de t’aimer davantage, que c’est déjà monstrueusement énorme, mais tu me prouves tous les jours à quel point j’ai tort. Que ce que j’éprouve la veille n’est rien en comparaison de ce que je ressens le lendemain pour toi.

Elle me décoche un sourire fabuleux, glisse ses mains sur mes abdos, me griffe un peu la peau.

— Tout ça parce que j’ai accepté un plan à trois, ricane-t-elle en levant les yeux au ciel.

— Non, parce que tu es généreuse, douce, aimante et… parce que tu as accepté un plan à trois, ris-je à mon tour. Tu aurais pu refuser, nous envoyer nous faire foutre avec nos idées à la con, mais tu vois toujours plus loin, au-delà de ce que les gens dévoilent.

— Nan, je voulais juste voir Ben descendre de ses grands chevaux ! plaisante-t-elle.

— Qui est descendu de ses grands chevaux ? grogne l’intéressé en franchissant le seuil, vêtu de son seul pantalon, la gueule enfarinée, une barbe de trois jours lui dévorant les joues.

Billie se tourne vers lui, se cale contre mon torse. Je l’entoure d’un bras, pose mon menton sur son épaule.

— Ça va ? lui demande-t-elle, un tel sourire aux lèvres que le sous-entendu est limpide.

Il grommelle en se laissant tomber sur une chaise.

— J’ai mal au cul, c’est ça que tu veux entendre ?

— Oui, raille-t-elle, j’ai l’impression d’avoir vengé toutes les femmes que tu as…

— Stop ! Fais-moi grâce des remarques sexistes dès le matin ! T’as gagné, Billie.

— Tu luttes même pas ! C’est désolant, se moque-t-elle. Où est passé le Ben arrogant et détestable ?

— Il s’est mis en pause parce que la jeune femme sous son nez lui a fait un chouette cadeau. Je redeviendrai le connard que tu adores détester dès demain matin.

— Tant mieux, je préfère ça !

Il nous lance un sourire narquois et fier, tandis que je dépose sous son nez une tasse remplie de café bien mérité.

— Tu veux bien reluquer autre chose maintenant, grogné-je lorsque je l’aperçois en train de balayer les jambes nues de Billie d’un regard licencieux.

Il rive aussitôt ses yeux aux miens, se met à rire et rétorque :

— Tu préfères que je te reluque, toi ? Ça me dérange pas plus que ça !

Je lui balance une pichenette entre les deux yeux et m’éloigne en grommelant. Il se marre et ajoute :

— Ce qui est bien avec vous deux, c’est que j’ai même pas besoin de choisir.

— J’espère que t’as bien profité, réponds-je en saisissant la main de Billie dans la mienne. Parce que c’est pas prêt de se reproduire.

Je l’entraîne vers notre chambre, alors que, malicieuse, elle lui tire la langue.

— Je suis très convaincant, réplique Ben depuis la cuisine, tandis que je claque la porte, un rire dans la gorge.

— Quel connard ! me plains-je en attrapant ma jolie hippie dans mes bras.

 

                                                                  Fin

 

Angel Arekin

@tousdroitsréservés

 

 

Commentaires

  1. Whaou quel beau bonus. Je ne m y attendais pas et j ai kiffé 😊 quel plaisir de retrouver ces personnages

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