Bonus Love Memories (suite, 10 ans après la fin)
Bonus Love Memories
Ben me
rejoint dans la cour, se laisse tomber sur l'un des transats et attrape le
joint que je lui tends en poussant un soupir d'aise.
— T’as
réussi à joindre Amélie ?
— Oui,
c’est bon. La communication coupait pas mal, mais elle a réussi à me gueuler
dessus, ricane-t-il.
— Tout
va bien ? interrogé-je aussitôt en basculant la tête dans sa direction.
— C’est
notre mode de discussion habituel.
— Ça te
convient ?
—Tu me
connais. Si ça pète pas dans tous les sens, si c’est linéaire, je m’emmerde
trop vite et je fais des conneries.
— Et Mel
n’apprécie pas tes conneries, je suppose ?
Il me
lance un sourire blanc de blanc avant de tirer une taffe et de fixer le ciel
sans nuage, constellé d’étoiles aussi lumineuses que des lampions de fête.
— Pas
tellement, ensuite elle essaie de me rendre la monnaie de ma pièce.
— Et
elle y arrive bien ?
— Elle
est presque meilleure que moi en la matière.
— Bien
fait ! me moqué-je, en enfonçant mes mains dans mes poches de jean.
En
Bolivie, le ciel a beau être d’une limpidité confondante, le froid est aussi
cinglant en été qu’un hiver en France. Un brasero brûle entre nous pour tenter
de garder la chaleur de nos corps. Le feu se réfracte dans les pupilles
dilatées de Ben, danse dans le vert de ses iris. Il est venu passer quelques
semaines de vacances avec nous, au village, mais Amélie n’a pas pu se libérer
de son boulot ou n’a pas voulu. Il ne le dit pas vraiment, mais les
sous-entendus sont clairs. Leur relation commençait à battre de l’aile, il
avait besoin de prendre l’air et comme chaque fois que dans sa vie, ça déconne,
il sait où me trouver pour obtenir ce qu’il cherche. Brillant avocat à la
carrière florissante, il se paie un billet d’avion, jette sa cravate et nous
rejoint, peu importe l’endroit où nous avons décidé de poser la tente. Il s’est
habitué à notre vie nomade, même si le village au Salar d’Uyuni reste notre QG.
Il
aspire une nouvelle bouffée en creusant les joues, puis lâche :
— Elle
veut que je lui fasse un môme.
Je le
fixe sans rien dire, attends la suite.
— Je
suis pas prêt.
— T’es
pas prêt ou t’en veux pas ?
— J’en
veux pas ! grogne-t-il avant de me tendre le joint. Pour moi, c’est
l’équivalent d’une ablation des couilles !
Sourire
aux lèvres, je me penche pour l’attraper, pose les coudes sur mes genoux pour
mieux l’observer. La ride entre ses sourcils, son air triste et agacé.
—
Putain, tu connais mieux que quiconque mon expérience familiale, j’ai pas envie
de faire vivre ça à un môme. Je serai pas un bon père, je sais même pas ce que
c’est, quel comportement adopter. J’ai déjà du mal à gérer ma relation avec
Mel.
— Tu
sais qu’on naît pas avec une notice toute faite pour devenir parents.
— Ouais,
mais t’as l’impression que certaines personnes ont été conçues avec le gêne
parental, c’est pas mon cas. Je passe ma vie à entuber des gens ou à défendre
des connards qui mériteraient la taule à perpét. Je veux pas jeter mes mômes
dans ce putain de monde.
Il se
prend la tête entre les mains, soupire profondément. Quand il est avec moi, Ben
redevient celui d’autrefois, loin de la robe d’avocat, de son langage châtié.
Il se libère, revit un peu.
— Et
toi ? me demande-t-il. Vous l’envisagez ?
Je
hausse les épaules.
— On
n’est pas pressés, mais disons qu’on a arrêté de faire attention. Ça viendra
quand ça viendra.
— Ça
t’effraie pas ?
— Non,
j’ai même hâte. Plus tard, j’ai envie de me souvenir de Billie avec son gros
ventre, portant nos enfants, j’ai envie de me souvenir de son visage radieux,
du moment où elle les mettra au monde, j’ai envie de leur faire découvrir ce
monde.
— On ne
vit pas dans le même, grommelle Ben, ce qui est la vérité.
Billie
et moi, on a renoncé sans hésiter à la société consumériste, à la technologie,
à la mode « métro, boulot, dodo ». On vit au gré de nos envies, avec
pas grand-chose. On accomplit des petits jobs pour nous payer nos voyages, on
dort dans des yourtes, chez l’habitant ou dans des tentes. On a besoin de rien,
hormis de la présence de l’autre. Se rouler à deux dans un plaid, faire l’amour
dans un coin paumé à l’autre bout du monde, avec la nature pour témoin.
— Des
fois, je t’envie, dit-il.
—
Personne ne te retient là-bas.
— Tu
veux dire, à part mon job, mes parents, Mel ?
— Tu
choisis ta vie, Ben.
Il
ricane.
— Pour
toi et Billie, ça paraît toujours si simple, mais je suis incapable de vivre
comme vous. J’ai besoin d’un lit King Size hyper confortable, d’une piscine à
remous, je suis un foutu nanti, Swan. Je peux pas y renoncer, même si ton petit
coin de paradis ici n’est pas si mal. Ça me va le temps de décompresser, mais
après, j’ai besoin de retourner dans l’arène. C’est mon monde. C’est comme ça.
— Alors,
tu pourras balancer des gosses dans ton univers et les former pour qu’ils
l’affrontent avec les bonnes armes. Je te fais confiance pour ça.
Le
sourire de Ben se dessine dans la semi obscurité. Je lui repasse le pét’ après
avoir pompé dessus, et m’étends à nouveau sur le transat. Le silence nous
engloutit un instant, seulement rompu par le bêlement des moutons qui paissent
non loin, puis, alors que je commençais à m’assoupir, Ben lâche :
— On a
fait un plan à trois avec Mel il y a quelques mois.
Saisi,
j’ouvre de nouveau les yeux et les vire vers les siens, mais il ne me regarde
pas, son attention rivée au brasero, sur le jeu des flammes léchant les
bûchettes.
— Tu
sais ? continue-t-il à voix basse, comme s’il craignait qu’on surprenne
notre conversation. Avec un autre mec. Je voulais… hum… savoir.
Il
relève la tête et me fixe cette fois.
—
C’était marrant, dit-il, mais je suis pas gay. Définitivement.
Il
m’adresse un sourire, puis ajoute :
— Tu
resteras toujours mon anomalie.
— Je
croyais qu’on ne devait plus jamais parler de ça, marmonné-je, avant d’attraper
la bouteille à mes pieds.
Je
dévisse le bouchon et bois au goulot tandis qu’il me répond d’un ton
moqueur :
— Dix
ans, je crois qu’il y a prescription.
Son
regard se pare soudain d’une lueur étrange. Il me pique la bouteille, boit à
son tour de grandes lampées avant de me jeter :
— J’ai
toujours été amoureux de toi.
Je
manque d’avaler ma salive de travers.
— Enfin,
non, se reprend-il en découvrant ma mine interdite, je suis amoureux de Mel
depuis qu’elle est entrée dans ma vie avec la force d’un bulldozer, mais toi…
je t’ai toujours aimé d’une certaine façon. T’es mon meilleur pote, mon pire
ennemi et cette autre chose aussi sur laquelle j’ai jamais vraiment réussi à
donner une définition. Alors, j’ai voulu savoir si j’aimais les hommes, Mel
était d’accord pour qu’on s’amuse, je ne lui ai rien raconté de nous ou de ce
que je ressentais. C’est pas le genre de trucs que tu expliques à ta copine. Enfin,
c’est pas mon genre de déblatérer là-dessus.
Il se
passe la main sur le visage, écrase le mégot par terre, puis avale une nouvelle
lampée.
— En
réalité, je n’ai pas aimé plus que ça, continue-t-il. Je n’étais pas
spécialement excité hormis par l’ambiance elle-même. Une partie à trois, c’est
toujours fun. Mais j’ai obtenu ma réponse. C’est juste toi qui m’éveille ça.
Il
zieute vers la bouteille qu’il tient à la main.
— C’est
sacrément fort ton truc. Je crois que je suis bourré, fais pas gaffe à tout ce
que je raconte.
—
Menteur, ne puis-je m’empêcher de lâcher, parce que je sais très bien qu’il
n’est pas ivre.
Il me
renvoie un sourire insolent, loin d’être déstabilisé.
— Ça te
dérange ? me demande-t-il.
— Que je
sois ton anomalie ?
— Oui.
Que je ressente ça. Que je le ressentirai peut-être toujours pour toi.
— Ça
dépend.
— De
quoi ?
— Ça te
blesse ?
Il prend
le temps de réfléchir, puis secoue la tête.
— Plus
maintenant. C’est comme certains de tes souvenirs, c’est seulement agréable de
se remémorer ces moments. Quelquefois, j’ai des regrets.
—
Toi ? m’étonné-je.
— Ouais,
se moque-t-il. Moi !
—
Lesquels ?
Il
m’observe d’un œil rendu brillant par l’alcool, puis m’adresse un sourire un
peu de travers.
— De ne
pas avoir fait un plan à trois avec toi.
Je
secoue la tête, amusé. Pas du tout fâché. Voilà longtemps qu’on a dépassé tout
ça avec Ben, l’hypocrisie, la rancœur, que notre relation a toujours été
bancale et bizarre.
— Et qui
serait passif ? interrogé-je en rivant mes yeux aux siens, d’un ton un
tantinet narquois.
Il
ricane et lâche :
—
Toi !
—
Sûrement pas, mon pote. Je ne suis pas gay !
— Moi
non plus !
— Mais
c’est moi ton anomalie, lui rappelé-je, un brin faux-jeton.
— Et ça
a l’air de te plaire, plaisante-t-il.
Je
hausse les épaules et acquiesce.
— Je ne
connais personne qui n’aimerait pas être l’anomalie de quelqu’un. Être
l’exceptionnel.
— Pour
toi, c’est Billie.
— Oui,
c’est elle mon exceptionnel, mais je te rassure, tu es un être très particulier
à mes yeux, Ben, m’amusé-je.
Il
rigole, puis boit une dernière gorgée avant de me passer la bouteille.
— Je
suis sérieux, me dit-il, alors que j’enroule mes doigts autour du goulot, que
je touche les siens sans faire gaffe, qu’il en frissonne.
— Je
sais, réponds-je avant de la tirer vers moi.
— Billie
serait d’accord ? questionne-t-il, avec son petit air malicieux habituel.
— Billie
est née dans des communautés qui pratiquent l’amour libre, lui rappelé-je.
Je le
fixe par-dessus le goulot de la bouteille tandis que l’alcool coule dans mon
gosier, que je suis assez saoul pour moins sentir la fraîcheur du Salar mais
pas assez pour ne pas savoir ce que je m’apprête à dire. Ben m’observe en
retour, dans un silence qui recouvre nos pensées, nos non-dits, nos envies.
Puis je laisse tomber :
— Tu
veux que je lui demande ?
Il
tressaille à mes mots, comme choqué que je puisse le penser, mais poussé par
une force plus grande, il hoche la tête, presque avec timidité mais avec une
certaine avidité, avant de murmurer :
— Tu le
voudrais, toi ? Tenter le coup…
— Une
fois, une seule, le préviens-je. Pour les regrets.
Par
curiosité peut-être aussi. Par amitié. Pour ce lien bizarre entre nous qui
demeurera toujours.
Il
acquiesce, un sourire bien loin de son arrogance habituelle plaqué sur les
lèvres, un peu nostalgique. Alors qu’il ne me quitte pas des yeux, je me
redresse du transat, marche jusqu’à l’une des fenêtres et tire le volet pour
l’ouvrir. Il n’y a aucun verrou ici. Billie est étendue sur le matelas,
enroulée dans une couverture, j’aperçois seulement quelques tresses en
dépasser.
—
Billie ! chuchoté-je. Billie…
Elle
ouvre un œil, bâille, s’étire comme un chat dans les draps qui me donne envie
de sauter par-dessus le rebord pour la rejoindre, finir de la déshabiller. En
simple t-shirt, elle se redresse, avise ma présence et s’arrache aussitôt à la
gangue de tissu pour s’approcher de moi. Sitôt à ma hauteur, je m’empare de sa
bouche, insinue mes doigts dans ses cheveux emmêlés, puis dirige mon visage vers
son oreille, tandis qu’elle glousse et me dit :
— Tu es
ivre, n’est-ce pas ?
— Un peu,
avoué-je.
Je
chuchote dans le creux de son oreille la proposition licencieuse de Ben. Au fil
de mes paroles, je sens son regard obliquer vers lui, ses muscles se tendre
légèrement, puis son attention virer vers moi, ses grands yeux d’ambre se
rivant aux miens. Elle sonde mon sérieux, ma sincérité ou même mon désir, aussi
bien que celui de Ben peut-être. Je recule pour mieux la contempler, pose mon
pouce sur ses lèvres qu’elle entrouvre naturellement, en dessine le pourtour,
avec mon envie toujours là pour elle, prégnant, puissant, qui me ravage aussi
violemment qu’autrefois.
Comme
elle ne prononce pas un mot, je me tourne vers Ben qui, pour une fois, ne
bronche pas depuis le transat. Il paraît plus nerveux que Billie soudain, des
câbles sous haute tension le traversant.
— Je
peux lui dire pourquoi ? lui demandé-je en m’adressant à lui.
Pour
qu’elle accepte, elle doit savoir. Elle en a le droit ; c’est son histoire
à elle aussi, après tout.
Billie
m’observe, curieuse. Ben opine, mal à l’aise, en fronçant le nez, puis se
relève brutalement du transat. Il se met à arpenter la cour déserte, marchant
autour du brasero, tandis que je confie à Billie l’un des seuls secrets que je
lui ai cachés. Ses yeux s’arrondissent à mesure de mes paroles. Son regard épie
les gestes de Ben qui se frotte la figure par intermittences, gêné.
Quand
j’ai terminé, elle lâche :
— Bon
sang, ça explique bien des choses d’un coup.
Et elle
se met à rire. Surpris, Ben se fige, pendant que je m’accote près d’elle,
soulève des mèches de cheveux, pas inquiet par sa réaction. Elle et moi, on se
connaît par cœur, autant que deux êtres peuvent se connaître, de mes plus gros
défauts à ses plus grandes terreurs, de mes embarras à ses craintes, de ma
mémoire à ses espoirs. J’ai dessiné de ma langue la moindre parcelle de sa
peau, savouré son arôme si souvent que rien d’elle ne m’est désormais inconnu.
J’ai partagé tant de sentiments avec elle, tant de moments passionnés, tendres,
amoureux, violents. Je n’ai pas peur qu’elle s’éloigne de moi, se récrie ou
humilie Ben. Elle ne ferait jamais ça. Billie est la tolérance incarnée. Elle
aime les gens, elle aime leur faire plaisir, sinon pour quelle raison
aurait-elle pris le temps et le risque de creuser au fond de mon âme pour me
découvrir autrefois ? Elle est comme ça, bâtie d’amour, de lumière, de
générosité. De sa belle liberté.
Elle
s’accoude sur le rebord de fenêtre et fait signe à Ben de s’approcher.
Obéissant, une moue fière sur le visage pour camoufler sa honte, il se poste
près d’elle, une épaule contre le mur.
—
Pourquoi vous ne le faites pas juste tous les deux ? nous balance-t-elle
soudain, nous coupant la chique à tous les deux.
Ben
zieute vers moi, ahuri par sa réaction, tandis que je pose les yeux sur elle en
secouant la tête.
—
Sérieusement ? lancé-je, abasourdi. C’est tout ce que tu trouves à
dire ?
— Bah
quoi ? Ce serait plus logique, non ?
Ben
éclate brusquement de rire et se penche vers Billie.
— Je
pourrais te le piquer, méfie-toi.
Elle lui
tire l’oreille et l’approche de son visage à quelques centimètres. On dirait
soudain un gamin devant Billie, paré à se faire sermonner. Il la considère
comme une relique sacrée, ce qui me tire un sourire amusé.
— Même
pas en rêve, gros bêta ! Mais je ne vois pas pourquoi vous auriez besoin
de moi. C’est un truc que vous devez régler ensemble, non ?
— Tu
n’es même pas un peu jalouse ? s’enquiert Ben.
— Nan,
même pas un peu !
— C’est
un peu vexant, grommelé-je à ses côtés.
Elle
lève des yeux souriants sur moi.
— Pas du
tout, c’est parce que tu possèdes mon entière confiance.
Ok, elle
vient de me flinguer un bout du cœur. Même après dix ans, elle y arrive encore
avec une facilité déconcertante.
Mais
c’est Ben qui lui répond :
— Swan n’aime
pas les hommes, Billie. Si t’es pas là, je suis pas certain que ça fonctionne.
Elle
arrondit enfin la bouche de compréhension, se décide à lui lâcher l’oreille et
l’observe droit dans les yeux.
— Tu es
sûr que c’est ce que tu veux ? lui demande-t-elle.
— Non,
j’en sais rien. C’est peut-être juste une connerie.
— Et
Mel ?
Il
fronce le nez, puis chuchote comme un secret :
— Ce qui
se passe en Bolivie, ça peut y rester ?
Il se
mordille nerveusement la lèvre, puis ajoute :
—
Billie, c’est juste… juste pour moi. Tu vois ? Un truc que j’aimerais
faire, mais je ne veux pas t’y obliger. Swan ou toi, d’ailleurs. Si vous n’en
avez pas envie, on laisse tomber. D’ailleurs, ce serait bizarre ensuite...
— Parce
que tu n’es pas bizarre ? me moqué-je.
— Tu es
la définition même de la bizarrerie, renchérit Billie avec amusement. À tel
point que je n’ai jamais rien compris à votre relation. Jusqu’à aujourd’hui, en
tout cas. Mais dis-moi, tu étais quand même amoureux de moi avant ?
Ben
ricane, attrape spontanément une mèche de ses cheveux pour l’enrouler autour de
son index :
— Au
début, oui. Je t’ai toujours trouvée très jolie et attirante.
— Et
puis d’un coup, tu flashes sur Swan.
Elle
coule son regard lumineux sur moi.
— Hum,
je ne peux pas tellement t’en vouloir, s’amuse-t-elle en glissant la main sur
mon bras.
— C’est
pas arrivé d’un coup non plus, explique Ben. D’ailleurs, je ne sais même pas
comment ça s’est produit. Ça m’est tombé dessus.
— Juste
lui ?
— Ouais,
juste lui. Toujours pas jalouse ?
Elle lui
tire la langue et m’attrape par le col de mon t-shirt pour me rapprocher d’elle
d’autorité.
— Non,
parce qu’il est à moi autant que je suis à lui, et que je sais très bien que tu
aimes Mel, que c’est seulement un fantasme que tu as besoin de réaliser pour le
démystifier ou que tu es seulement le gros pervers que j’ai toujours vu en toi.
— T’es
pas sérieuse ? ricane Ben.
— À
moitié ! répond-elle en l’attrapant par le bras, pour le tirer vers la
fenêtre. Vous venez ? Ça caille dehors.
Ben
écarquille les yeux de stupeur tandis qu’elle retourne au cœur de la chambre et
qu’elle ôte déjà son t-shirt, dévoilant son dos magnifique, la cambrure sublime
de ses reins, la forme élancée de ses cuisses. Il tourne la tête vers moi et
lance, railleur :
— En
fait, c’est toi qui devrais peut-être être jaloux !
— Mon
vieux, tu as le droit de réaliser tout un tas de fantasmes cette nuit, mais si
t’essaies de lui coller ta bite dans son vagin, je te la fais bouffer !
— Je me
disais aussi ! C’était trop beau pour être vrai. En gros, y a que moi qui
vais m’en prendre une !
Je
devine son angoisse sous son humour, m’élance pour passer le rebord de fenêtre
tandis que Billie se retourne pour nous observer, sa chevelure cascadant sur
ses épaules. Hippie magnifique, sans aucun complexe, naturelle et suave, qui
affiche sa nudité comme si c’était normal. Sans parvenir à me détourner d’elle,
je passe la main sur la nuque de Ben qui se tend à mon contact.
— On
fera seulement ce qu’on veut. Viens.
Sans
tergiverser, poussé par l’attraction de Billie, je saute dans la chambre et
marche vers la jeune femme dont la poitrine se dévoile, superbe, sous mes yeux
soudain affamés. Je passe la main dans ses cheveux, dans son cou, alors que
l’ombre de Ben se détache dans le dos de la jeune femme. Il m’examine un
instant, puis jette un coup d’œil vers Billie pour s’assurer de son
assentiment ; elle recule aussitôt vers lui pour le rassurer, tout en
m’entraînant contre elle.
— Bon
sang, vous avez déjà fait ça, hein ? grommelle Ben.
— Non,
t’es le premier qui va me toucher en dehors de Swan, répond Billie. C’est une
faveur qu’il t’accorde, parce que tu es son meilleur ami. N’oublie jamais
ça !
Il me
jette un coup d’œil, puis répond :
—
Crois-moi, Billie, tout ce qui va se passer dans les prochaines heures, je ne
l’oublierai jamais, même sans ta super mémoire, Swan.
Il
glisse une main sur son ventre nu, puis vers le mien, sous mon t-shirt, et
souffle à son oreille d’une voix soudain pleine d’émotion :
— Merci
pour ça.
Elle lui
lance un sourire qui ravirait la chaleur du soleil. Il le lui renvoie, frotte
son nez dans ses cheveux. Ses doigts s’agrippent à ma ceinture, alors qu’il lui
murmure à l’oreille :
— Tu en
as envie aussi, Billie ? De ça ?
C’est
dans mes yeux qu’elle se perd pour lui répondre, tandis que je sens mon cœur et
mon ventre se gonfler d’envie, de la toucher, de l’embrasser, de l’entraîner
vers le lit.
— Oui.
Elle me
regarde encore fixement, avec toutes ses lueurs d’ambre disséminées dans ses
iris, quand elle tourne la tête vers lui pour frôler ses lèvres. Ça me fait
comme un pic au cœur durant quelques secondes, qui flambe mon sang de jalousie,
l’explosion envahissant ma tête d’un coup. Je me prends un shoot dans la
gueule, mes pensées dérivent un instant vers de lointains souvenirs, à ces
moments furieux où j’avais cru la perdre, où mon monde aurait pu redevenir d’un
noir opaque, mais comme si elle les devinait – ma colère, mes vieilles peurs –,
elle me ramène vers elle ; sa main vient se glisser par-dessus celle de
Ben sur la ceinture de mon jean pour me l’ôter. Son sourire me foudroie, son
regard me déshabille, me remplit d’un désir liquide. Alors, tout se remet en
place dans les bonnes cases dans ma tête. Parce que j’ai confiance en elle, je
peux faire ça pour Ben. Parce qu’elle a confiance en moi, elle accepte à son
tour cette nouvelle expérience. Il n’y a rien de plus que ça, aucun doute, de
craintes à avoir. Elle est tout pour moi. Je suis tout pour elle. Je le sais.
Ma jalousie s’éteint comme si elle avait appuyé sur un bouton, que toutes ses
couleurs s’étaient soudain déversées sur moi pour noyer la moindre incertitude
qui aurait pu demeurer en moi.
Après
avoir viré mon t-shirt, mes doigts sinuent sur sa poitrine délicate, en pince
le mamelon, m’empare de sa gorge. Elle embrasse Ben, puis sa bouche vient
couvrir la mienne, sa langue me caresser, me montrer combien elle m’aime,
combien elle est prête à tout pour le montrer. Elle se colle à moi, aide Ben à
déboutonner mon jean, révélant peu à peu mon caleçon. Ben trouve vite ses
marques avec elle ; il a l’habitude des femmes, du sexe. Il n’est pas
tamisé ou nerveux avec elle. Il la caresse, les hanches entre ses mains, sur
son ventre ou tâtant le moelleux de ses fesses rebondies. C’est avec moi qu’il
n’ose pas. Il me touche à peine, recule souvent la main dès qu’il m’effleure
par mégarde. Billie s’en rend compte. Alors, elle le guide, ses doigts
par-dessus les siens, elle le pousse vers moi, sur mon torse, mes abdos,
jusqu’à mon cou, puis en sens inverse. Ben a enfoncé sa figure dans le cou de
Billie pour ne pas avoir à m’affronter ; Billie, elle, elle me dévisage,
dévore chacune de mes expressions, tandis que je grave les siennes. Chaque
caresse, chaque mimique restera tatouée dans ma mémoire. Autant faire de cet
instant un moment exceptionnel.
Billie
retire le pull de Ben, le jette au sol, appose de nouveau son dos à son torse,
sa poitrine contre le mien. Elle nous entraîne dans une danse dont elle devient
la maîtresse. Son corps se moule aux nôtres, ses courbes délicieuses contre nos
arêtes plus sèches. Elle a un bras passé autour de la nuque de Ben, son corps
langoureux oscille comme si elle se mouvait sur une piste, la musique battant
les baffles. Je n’ai pas de mal à l’entendre, ma mémoire déversant des notes sous
mon crâne. Alors qu’on se meut à l’unisson sur le rythme qu’elle impose, elle
guide la main de Ben vers l’élastique de mon caleçon. Je me tends légèrement.
Même en fermant les yeux, je saurais que c’est lui. Ses doigts sont plus
rêches, sa façon de me toucher plus nerveuse. Ouais, ok, peut-être que je
n’avais pas pensé à tout en acceptant le plan à trois. Peut-être que Ben y a
songé plus que moi en glissant habilement Billie entre nous. Ce connard est
toujours un vil manipulateur quand il souhaite obtenir ce qu’il désire. Mais je
ne lui en veux pas. J’ai accepté de moi-même, j’avais envie de ça, quoi que ce
soit.
Leurs
deux mains serpentent sur mon sexe qui se tend à leur contact. Je clos les
paupières, me laisse porter, alors que lentement, on recule en direction du
lit. Billie se frotte outrageusement contre nous. Ben a enveloppé un sein de sa
paume, pendant que de l’autre, il me touche avec l’aide de Billie. Je
l’embrasse avec plus de vigueur, lèche sa langue, la mords presque. Une main
sur sa fesse pour la presser contre moi, je sens le contact du sexe de Ben
par-dessus son jean. En un réflexe primaire, il se décale aussitôt pour ne pas
que je le touche, ce qui est risible, puisque c’est exactement ce qu’il
souhaite que je fasse. Je le rattrape par la ceinture, le ramène contre Billie
et près de moi. Il se laisse faire, relève la tête des cheveux fous de la jeune
femme entre nous et croise mon regard. Le désir se lit dans ses yeux. Il se
lèche les lèvres, manque de me fuir, mais se retient, tenant fermement son
arrogance en bouclier. Je finis par ricaner, le pousse sur l’épaule et le fais
tomber dans le lit.
—
Désape-toi, lui ordonné-je, tandis que j’enlace Billie, lui vole un baiser.
Ben
m’obéit, il ôte ses pompes, son jean. Billie finit par virer son caleçon ;
j’en profite pour lui retirer sa culotte, la mettre nue. Je ne peux pas aimer
Ben tel qu’il le souhaiterait, mais je partage avec lui celle qui façonne ma
vie, mon bonheur, mon existence tout entière. L’être le plus précieux à mes
yeux. Et je sais, à la façon qu’il a de la considérer avec révérence qu’il a
compris, qu’il en prend soin à son tour. Parce que c’est elle qui nous
rapproche en cet instant.
Billie
me pousse à mon tour sur le matelas, se met entre nous, face à moi, une jambe
par-dessus les miennes ; elle attire Ben contre elle, frotte son cul
délicieux contre son sexe. Par-dessus son épaule, je fusille mon pote du regard
pour qu’il ne fasse pas de conneries. Je lui arrache enfin un sourire plus
détendu. Puis je le laisse faire. Tout ce qu’il veut, tout ce que désire Billie
et tout ce que je souhaite. Ça part vite en vrille quand on commence à se
caresser, à se lécher. Billie en équilibre entre nous. Emportée par l’action, elle
me grimpe dessus, sur mon visage, pour que je la dévore, goûte à son intimité
qui m’enivre. Elle agite les hanches sur ma bouche, telle une démone, dont les
gémissements commencent à éclater dans la chambre. Ici, personne ne s’en
offusquera. L’amour libre est presque une tradition dans le coin.
C’est
alors que je le sens, sa main sur mon caleçon, en train de me l’enlever, puis
sa main sur moi. Sur ma peau. Sur ma bite de plus en plus tendue par la déferlante
de caresses, de corps, de cris que Billie détache de ses lèvres. Je me crispe
légèrement, alors qu’il s’approche, se glisse contre moi. Comme je ne vois pas
ce qu’il fabrique, il en profite, le salaud, caché par les courbes sulfureuses
de Billie. Je tiens ses hanches entre mes mains. Un instant, au-dessus de moi,
je les vois s’embrasser, et ça m’excite. C’est là que je réalise que je suis en
train de perdre pied, de m’enfoncer dans le plaisir, de me laisser engloutir
sans réfléchir. J’éteins mes neurones et me laisse porter par la vague. Mon
futur 4K sera exceptionnel !
La
bouche de Ben me frôle ensuite, sur le torse, sur les pectoraux, puis les
abdos, dessinant une ligne droite vers mon sexe dressé. Je l’entends grogner
qu’il n’a jamais fait ça et que j’ai pas intérêt à me foutre de sa gueule. Je
rigole, agrippe une fesse de Billie quand il fait glisser sa langue sur ma
longueur, que la tension me foudroie le bide, autant que le plaisir. Il me
prend dans sa bouche et je sens l’attention de Billie peser sur moi, non pas
pour mesurer les capacités de Ben par rapport aux siennes, mais pour voir si je
parviens à me détendre. J’y arrive, le contraire serait difficile. J’ai une
déesse qui ondoie au-dessus de moi et un mec qui me taille une pipe d’enfer.
J’ai même du mal à croire ce qui est en train de se produire, que j’ai moi-même
déclenché, qui m’échappe totalement.
Billie
jette des coups d’œil par-dessus son épaule, puis sur moi tandis que je la
lèche.
— J’en
ai envie moi aussi, décrète-t-elle.
Aussitôt,
elle se détache de moi, fait volte-face et incline le buste vers ma queue. Ben
se décale aussitôt, et deux bouches affamées m’engloutissent. Ouais, OK, finalement,
je suis au paradis. Je tâte le corps de Billie, fourre mes doigts en elle
tandis qu’elle s’agite au-dessus de moi. Ben se rapproche, m’enjambe et vient
coller son sexe au mien pour les masser ensemble. Billie le lèche à son tour,
passant de l’un à l’autre avec gourmandise, ses gâteries émaillées de
gémissements. Rauques pour ceux de Ben et moi, excitants pour les siens. Elle
ne tarde pas ensuite à venir me chevaucher, elle me laisse l’envahir, la
prendre, enfonçant dans mon bide les premiers pics troublants de la jouissance.
Devant elle, Ben l’embrasse, la caresse, tandis qu’elle le branle. Un voile de
sueur les recouvre ; je les trouve beaux, alors que Billie me fait
l’amour, qu’elle pousse Ben toujours plus loin dans ses retranchements, pour
qu’il me touche là où le corps de Billie et le mien se réunissent ; elle
l’attire encore plus près d’elle, pour qu’il sente nos mouvements, pour qu’il
puisse poser ses mains sur ma taille. Il jure en déposant un baiser dans son
cou, braque enfin son regard vers moi alors que jusqu’à présent, il m’évitait.
Il me dévisage, et je lis la fièvre sur sa figure. Je comprends aussitôt ce
qu’il désire. Un peu crispé, je m’assois, serrant le buste de Billie contre
moi, une paume sur son sein, puis sans réfléchir davantage, je colle ma bouche
à celle de Ben. Il est surpris un quart de seconde, si bien qu’il oublie
d’ouvrir les lèvres. Puis il le fait, et on lutte comme deux cons pour savoir
qui va dans la bouche de l’autre. Il finit par céder, grogne, puis s’accroche à
Billie et à moi. Mon piercing accomplit le reste. On s’embrasse longtemps tous
les trois. Billie a cessé de bouger au-dessus de moi pour retenir mon orgasme
qui croissait dangereusement. On se caresse de nos langues, de nos bouches.
C’est doux et passionné avec Billie, violent et dérangeant avec Ben. Ce
souvenir sera sans aucun doute l’un des plus hors normes, un merveilleux film à
me rappeler lors des nuits froides.
— J’en
ai envie, finit-il par murmurer contre mes lèvres, ses yeux plongés dans les
miens, mal assurés mais emplis de désir.
— Je
sais, réponds-je.
Je jette
un coup d’œil sur Billie ; elle ne bronche pas, me laisse choisir ce
moment : refuser ou aller jusqu’au bout.
— T’es
pas obligé, me dit Ben. Je comprendrai, c’est déjà énorme ce qui se passe.
Il
appuie bien sur le mot « énorme », ce qui nous tire un sourire.
— Tu te
débines ? le nargué-je alors.
—
Non ! s’exclame-t-il aussitôt. Putain non, c’est quand tu veux !
Je
regarde Billie qui se relève aussitôt dans un sourire un tantinet moqueur
devant les joues rouges de Ben. Il se redresse à son tour et bascule sur le
côté, la main sur le visage.
— Mais hors
de question que je me foute à quatre pattes, grogne-t-il aussitôt.
Je
rigole, alors que Billie se rencogne contre lui pour le rassurer.
—
Combien de filles t’as mises à quatre pattes ? le taquiné-je.
Il l’attrape
dans ses bras, se cramponne à elle comme si c’était un radeau, et se dérobe
tant bien que mal à mon attention.
— Je
commence à m’en vouloir, ricane-t-il en se tournant vers Billie.
Puis il
glisse ses doigts au creux de son ventre, lui vole un gémissement, tandis que
je contourne Ben et me place dans son dos. Celui-ci se constelle de chair de
poule lorsqu’il sent ma main sur sa hanche.
—
Bordel, marmonne-t-il avant d’enfoncer son visage dans le cou de ma délicieuse
hippie, de la tenir plus étroitement encore, comme s’il espérait disparaître
dans son corps. Devenir elle peut-être. Pour que j’en ai envie, pour que ce
soit plus facile.
— Swan,
putain, t’es pas obligé, insiste-t-il encore.
— Tu
veux que j’arrête ? demandé-je en dirigeant ma main plus bas sur son corps
en une langoureuse caresse.
Il ne
dit rien, soulève la tête pour observer Billie comme s’il espérait qu’elle
arrêterait tout, mais elle ne lui fait pas cet affront. Elle nous laisse
décider, se contente de lui sourire.
— Hey,
Ben, murmuré-je alors près de son oreille. C’est entre nous, d’accord ? Ça
restera toujours entre nous.
— Tu
n’as pas à en avoir honte, ajoute Billie avant de déposer un baiser sur ses
lèvres, puis sur les miennes. On fait l’amour tous les trois. On est ensemble.
Ben
tourne le buste vers moi, me fixe un instant.
— Je me
force pas, le rassuré-je. J’en ai envie.
Je me
caresse contre lui pour le lui prouver. Il n’est pas dupe, sans Billie, ça
aurait été difficile d’être excité à ce point-là, mais je ne mens pas non plus.
J’éprouve vraiment le désir d’aller plus loin, à la conclusion de cette étrange
nuit. De voir ce que ça fait. De lui faire plaisir. De clôturer cette partie de
notre histoire. De jouir de cette nouvelle expérience.
Ben
acquiesce, se concentre sur le plaisir de ma hippie qui s’étale dans les draps,
suave, tandis que j’attrape un préservatif dans la table de chevet. Je ne le
mets pas tout de suite. Je lui lève la jambe pour qu’il la positionne
par-dessus celles de Billie. Je le caresse alors doucement, pendant que Billie
s’occupe de lui à son tour, sa main enroulée autour de son sexe. Il laisse
fuser des jurons qui la font rire.
— Mon
Dieu, mais tu es toujours aussi vulgaire ? rit-elle.
— Ouais,
quand c’est trop bon, lui répond-il avant de prendre sa bouche pour l’obliger à
se taire.
Mais
c’est moi qui le fais taire ensuite. Quand il entend le bruit du plastique qui
se déchire. Il se contracte de part en part. Ses doigts se crispent sur la
hanche de Billie. Il ferme les paupières. Ma délicieuse hippie m’observe un
instant, se hisse un peu au-dessus de Ben pour que je l’embrasse, caresse son
visage, ses seins, lui demande en silence si elle est toujours d’accord. Pour
seule réponse, elle s’empare de mes lèvres, sa main dans mes cheveux, puis sur
mon sexe, à me branler pour que je durcisse un peu plus.
Puis
elle s’éloigne, serre Ben contre elle qui continue de la caresser, de la faire
gémir, et puis de cesser d’un coup, lorsqu’il me sent. Je pousse en douceur,
comme je l’ai fait quelques années auparavant pour la première fois de Billie.
J’ai appris à mieux me contrôler depuis. Je l’entends hoqueter, puis le vois
chercher la bouche de Billie pour s’y perdre. Elle le lui octroie, tandis que
je le pénètre plus profondément, que mes sentiments se mélangent soudain dans
ma tête, autant que mes sensations. C’est étroit, chaud, différent. Tout
s’embrouille. Je me perds dans les corps qui gémissent, le mien, le leur, celui
de Ben qui se contracte sous l’intrusion, puis Billie qui vient m’embrasser,
caresser mon visage. Ben lèche ses seins, puis la ramène contre lui. Son sexe
tendu entre eux, Billie s’en empare, accroît l’électricité ambiante ; elle
me fixe, les lèvres entrouvertes, les pupilles tellement dilatées qu’on dirait
qu’elle a été shootée par une drogue surpuissante.
— Oh bon
sang, grogne Ben.
Il
gémit, touche le sommet de ma cuisse pour m’encourager à bouger.
— Je
suis pas en sucre, dit-il. Vas-y, abruti !
Je
ricane, obéis, me retire, puis m’enfonce plus sèchement au fond de lui. Je suis
incapable de déterminer si j’aime ça ou non, mais mon plaisir est réel, mon
envie aussi. Irrésistibles. Avec moins de timidité ou de crainte, je pose la
main sur son torse, l’effleure jusqu’au bas du ventre et rejoins la main de
Billie. Il marmonne entre ses dents de nouveaux jurons, puis tourne légèrement
la tête pour me dévisager. C’est étrange de se perdre dans ses yeux à cet
instant. Mais je n’ai pas le temps d’y réfléchir. Il pose soudain sa bouche sur
la mienne avec une tendresse qui me foudroie. Ce n’est plus du sexe à cet
instant-là, ce sont des sentiments. Cet amour qu’il a ressenti pour moi
autrefois qui revient des limbes, pour mieux s’envoler ensuite, l’en libérer
peut-être. Alors, je lui rends son baiser, j’essaie d’être à la hauteur, de lui
donner du plaisir, de lui offrir ce moment qui restera unique. Pour lui comme
pour moi. Je fais tourner mon piercing contre sa langue, puis l’embrasse dans
le cou, jusqu’à le mordre sur l’épaule quand le désir embrase ma tête. Il se
frotte contre Billie, de plus en plus possédé par l’action. Je raffermis la
pression de ma main sur son sexe, caresse le clitoris de Billie de son gland,
puis brusquement, il part. Il se contracte de partout, m’oppresse jusqu’à
m’arracher un grognement guttural. J’accélère le mouvement sur sa queue tendue
alors que j’ai l’impression qu’il m’aspire en lui. Le plaisir me rend dingue,
martèle mes tempes comme si mon cœur s’y était dirigé. Ben jouit, la bouche sur
la mienne, jusqu’à ce qu’il se laisse retomber entre nous.
Je me
retire en douceur, même si je n’ai pas encore terminé et jette le préservatif
plus loin, sur le sol. Ben ahane, les paupières closes, ses lèvres proches de
celles de Billie. Il a ses doigts en elle et il les agite toujours, Billie me
cherche du regard, me trouve sans mal. Elle se détache aussitôt de Ben,
l’enjambe et se glisse entre nous. Ben suit le mouvement, se colle à son dos,
alors que Billie ne tarde pas à venir me prendre, s’empare de mon sexe et le
conduit sans attendre au fond d’elle. La tension croît au creux de mon ventre,
le long de ma queue qui pulse de plus en plus au rythme de ses hanches. La main
de Ben se pose sur ma taille. Billie, plus petite, se niche sous mon cou,
tandis que les lèvres de Ben viennent me trouver, que ses doigts tâtonnent sur
le corps de Billie, qu’elle pousse un gémissement sulfureux lorsqu’il trouve ce
qui lui plaît. Il joue avec elle, il joue avec moi. Son sexe encore un peu dur
vient nous caresser, nous toucher, nous exciter.
— C’est
si bon, murmure-t-elle, ses lèvres contre les miennes. Swan…
C’est à
ce moment-là, quand Billie s’enfuit dans son monde qu’elle m’entraîne
violemment avec elle, que je lâche prise et la rejoins sans mal, le corps
vrillé de nouvelles sensations. Nos membres sont emmêlés, nos mains jointes,
nos bouches alternant les baisers. Après le tumulte, nos gestes deviennent plus
tendres, plus doux, mais encore cadencés. Mon cœur bat si fort que j’ai
l’impression qu’il résonne dans la pièce, que tout le monde peut le percevoir.
Billie
embrasse mes pectoraux, me garde en elle aussi longtemps que possible avant que
je n’en sois naturellement chassé. Ben caresse ma taille, en délicatesse, comme
s’il savourait les derniers instants. Aucun de nous n’esquisse le moindre geste
pour sortir du lit ou la moindre envie de se détacher les uns des autres. C’est
comme un interlude dans une vie. Un moment hors du temps. Déconnecté. Qui
n’appartient à nul autre.
Au bout
de quelques minutes, je me contente de tirer la couverture sur nous, le froid
se rappelant brusquement à nos peaux moites, après la chaleur de nos ébats. Billie
s’endort la première après avoir balbutié un « je t’aime » somnolent
sans me lâcher, ses doigts fermement noués aux miens. Ben m’observe encore, la
pénombre lustrant les traits de son visage. Je le fixe en retour, sans gêne. J’essaie
de deviner à quoi il pense, ne suis pas sûr d’y parvenir.
—
C’était à la hauteur ? finis-je par lui demander à voix basse.
Il
m’adresse aussitôt un sourire retors, approche son visage du mien et, sans
crier gare, m’embrasse. Longtemps, avec une certaine frénésie et de la
tendresse. Quand il se détache de moi, il murmure :
— Tu
resteras mon anomalie. Ça n’aura jamais la moindre explication. Pourquoi toi.
Pourquoi comme ça. Je ne le saurai jamais, et ça n’a pas tant d’importance.
Son
index court sur la hanche de Billie qui dort ou fait semblant, puis passe sur la
mienne. Il soupire, bascule la tête sur l’oreiller.
— Tu
crois qu’on vient de sceller notre amitié ou de la foutre en l’air ? me
demande-t-il en rigolant.
— Mon
vieux, si tu oses me jeter après ce que je viens de faire, je te promets de te
pourrir la vie jusqu’à la fin de tes jours !
Il
tourne la tête vers moi, ricane, fouille mon regard à la recherche d’une vérité
quelconque, puis il lâche :
— Tu ne
l’oublieras jamais. Tout ce qu’on vient de faire cette nuit. Dans les moindres
détails, ça restera dans ta tête.
— Ouais.
— Et ça
ne t’ennuie pas ?
— Ça
devrait ?
Il
hausse les épaules.
— Tu
viens certainement de m’offrir l’un des meilleurs films pornos de toute mon
existence, lui avoué-je en rigolant, alors arrête de t’inquiéter. Ça te
ressemble pas de t’en faire pour les autres !
— Ouais…
j’ai juste… pas envie que tu le regrettes.
— Te
tracasse pas, ça n’arrivera pas. J’ai aimé, même si c’était foutrement bizarre.
J’ai aimé chaque seconde, comme je suis convaincu que Billie aussi. Cette nuit,
c’était un peu… hum… notre anomalie.
Il
tourne la tête vers moi, me fixe un moment en silence et me balance avec
un profond sérieux :
— T’es
sûr que t’as pas envie qu’on retourne la situation ? Pour améliorer le
film porno…
Il palpe
brusquement mon cul avec un peu trop d’empressement ; je lui vire la main
en grognant, tandis qu’il se met à rire.
— C’est
une expérience qui vaut la peine d’être vécue, argumente-t-il.
— Range
ta robe, l’avocat. Ça ne prend pas une seconde !
On
pouffe tous les deux tandis que la jolie jeune femme dans mes bras noue
davantage ses membres autour de moi, tel un koala, en poussant un gémissement
de béatitude, puis quelques mots qui ressemblent à « n’y compte pas ».
Elle nous dérobe un sourire. Les yeux clairs de Ben balaient son corps scellé
au mien avec une tendresse qui lui ressemble peu, qui est déroutante.
— Merci
Swan, finit-il par murmurer.
— Ouais,
de rien.
— Toi
aussi, Billie.
—
Grffffmmmm, lui répond-elle.
Il
rigole, puis ajoute à mon intention d’un ton éminemment narquois :
— Ton
piercing sur…
— Ta
gueule, dors !
Il rit
de plus belle, puis se tourne face à Billie pour la serrer dans ses bras à son
tour et m’enlacer une dernière fois. Je le laisse faire, la tête fourmillant
d’images plus immorales les unes que les autres. Mes prochains rêves risquent
d’être sacrément… excitants.
Au
matin, je me réveille entouré de deux corps tels des prolongements de moi-même.
Billie sur ma droite, Ben sur ma gauche. On ne s’est pas endormi dans cette
position, mais sur les coups des quatre ou cinq heures du mat’, une érection
malvenue m’a réveillé. Je ne me sentais pas le cœur de la laisser se perdre.
Personne ne m’a contredit.
Maintenant,
je me sens courbaturé comme si j’avais couru un marathon, lorsque j’esquisse un
mouvement pour m’arracher aux délicieux filets que m’offrent leurs bras et
leurs jambes.
Une fois
libre, j’enfile un caleçon et un jean, puis, sans bruit, me dirige vers la
cuisine. Il n’y a plus personne dans la maison, il est déjà tard si j’en crois
le soleil haut dans le ciel immaculé. Je prépare le café en bâillant, passe la
main dans mes cheveux en bataille lorsque les doigts d’une charmante hippie viennent
se poser sur mon ventre.
— Salut,
murmuré-je avant de pivoter vers elle pour l’embrasser.
— Salut.
Elle se
colle à moi, niche son nez dans mon cou, dressée sur la pointe des pieds. Je
l’entoure aussitôt de mes bras, remonte son long t-shirt sur ses cuisses pour
toucher sa peau.
— Bien
dormie ? demandé-je dans un sourire.
— J’ai
mal partout. Vous êtes deux rouleaux compresseurs chargés au nucléaire, se
moque-t-elle.
— Ravi
de te l’entendre dire.
Je lui
lance un clin d’œil, puis me penche pour lui servir une tasse de café. Elle
s’en empare sans attendre, y trempe les lèvres, puis m’observe en silence. Je
m’égare dans ses yeux ambrés, capables de me mettre à genoux, la main
enveloppant sa hanche.
— Tu
m’en veux ? l’interrogé-je enfin.
Elle
arque un sourcil.
— Non,
pourquoi t’en voudrais-je ? C’était… hum… exceptionnel ?
J’attrape
l’ovale de son visage entre mes doigts et lui murmure :
— Tu
sais ? des fois, je songe qu’il ne m’est pas possible de t’aimer
davantage, que c’est déjà monstrueusement énorme, mais tu me prouves tous les
jours à quel point j’ai tort. Que ce que j’éprouve la veille n’est rien en
comparaison de ce que je ressens le lendemain pour toi.
Elle me
décoche un sourire fabuleux, glisse ses mains sur mes abdos, me griffe un peu
la peau.
— Tout
ça parce que j’ai accepté un plan à trois, ricane-t-elle en levant les yeux au
ciel.
— Non,
parce que tu es généreuse, douce, aimante et… parce que tu as accepté un plan à
trois, ris-je à mon tour. Tu aurais pu refuser, nous envoyer nous faire foutre
avec nos idées à la con, mais tu vois toujours plus loin, au-delà de ce que les
gens dévoilent.
— Nan,
je voulais juste voir Ben descendre de ses grands chevaux !
plaisante-t-elle.
— Qui
est descendu de ses grands chevaux ? grogne l’intéressé en franchissant le
seuil, vêtu de son seul pantalon, la gueule enfarinée, une barbe de trois jours
lui dévorant les joues.
Billie
se tourne vers lui, se cale contre mon torse. Je l’entoure d’un bras, pose mon
menton sur son épaule.
— Ça
va ? lui demande-t-elle, un tel sourire aux lèvres que le sous-entendu est
limpide.
Il
grommelle en se laissant tomber sur une chaise.
— J’ai
mal au cul, c’est ça que tu veux entendre ?
— Oui, raille-t-elle,
j’ai l’impression d’avoir vengé toutes les femmes que tu as…
—
Stop ! Fais-moi grâce des remarques sexistes dès le matin ! T’as
gagné, Billie.
— Tu
luttes même pas ! C’est désolant, se moque-t-elle. Où est passé le Ben
arrogant et détestable ?
— Il
s’est mis en pause parce que la jeune femme sous son nez lui a fait un chouette
cadeau. Je redeviendrai le connard que tu adores détester dès demain matin.
— Tant
mieux, je préfère ça !
Il nous
lance un sourire narquois et fier, tandis que je dépose sous son nez une tasse
remplie de café bien mérité.
— Tu
veux bien reluquer autre chose maintenant, grogné-je lorsque je l’aperçois en
train de balayer les jambes nues de Billie d’un regard licencieux.
Il rive
aussitôt ses yeux aux miens, se met à rire et rétorque :
— Tu
préfères que je te reluque, toi ? Ça me dérange pas plus que ça !
Je lui
balance une pichenette entre les deux yeux et m’éloigne en grommelant. Il se
marre et ajoute :
— Ce qui
est bien avec vous deux, c’est que j’ai même pas besoin de choisir.
—
J’espère que t’as bien profité, réponds-je en saisissant la main de Billie dans
la mienne. Parce que c’est pas prêt de se reproduire.
Je
l’entraîne vers notre chambre, alors que, malicieuse, elle lui tire la langue.
— Je
suis très convaincant, réplique Ben depuis la cuisine, tandis que je claque la
porte, un rire dans la gorge.
— Quel connard !
me plains-je en attrapant ma jolie hippie dans mes bras.
Fin
Angel
Arekin
@tousdroitsréservés
Whaou quel beau bonus. Je ne m y attendais pas et j ai kiffé 😊 quel plaisir de retrouver ces personnages
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